|
Extrait du journal officiel (Bulletin officiel spécial n° 9 du 30 septembre 2010) :
Les grandes lignes de la tectonique des plaques ont été présentées au collège. Il s’agit, en s’appuyant sur une démarche historique, de comprendre comment ce modèle a peu à peu été construit au cours de l’histoire des sciences et de le compléter. On se limite à quelques étapes significatives de l’histoire de ce modèle. L’exemple de la tectonique des plaques donne l’occasion de comprendre la notion de modèle scientifique et son mode d’élaboration. Il s’agit d’une construction intellectuelle hypothétique et modifiable. Au cours du temps, la communauté scientifique l’affine et le précise en le confrontant en permanence au réel. Il a une valeur prédictive et c’est souvent l’une de ces prédictions qui conduit à la recherche d’un fait nouveau qui, suivant qu’il est ou non découvert, conduit à étayer ou modifier le modèle. La solidité du modèle est peu à peu acquise par l’accumulation d’observations en accord avec lui. Les progrès techniques accompagnent le perfectionnement du modèle tout autant que les débats et controverses. NB - À partir de l’exemple de la tectonique des plaques, les élèves seront conduits à comprendre quelques caractéristiques du mode de construction des théories scientifiques. I. La naissance de l'idée de la mobilité horizontale des continents : Au début du XXème siècle, l'explication dominante pour expliquer les différences d'altitude à la surface de la Terre est la contraction thermique de la Terre (suite à son refroidissement => diminution de son volume) qui aboutit à une surface ridée, comme l'est la surface d'une pomme desséchée, avec des creux (océans) et des bosses (montagnes). Des mouvements horizontaux sont connus (plis, nappes de charriage …) mais apparaissent comme secondaires et conséquences des mouvements verticaux, ou du moins dérivant de la géométrie sphérique de la Terre en contraction. Fiche complémentaire : Les théories antérieures à celles de Wegener (1915) Alfred Wegener Dès 1915, Alfred Wegener (1880 -1930) avance l'hypothèse de la mobilité horizontale des continents. Cette idée se fonde essentiellement sur l'observation scientifique de 4 faits : 1- La distribution bimodale des altitudes (continents/océans) Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, des campagnes de mesure de la profondeur des océans au moyen de câbles sondes sont menées. Cela suggère que ces ensembles sont différents morceaux d'un même bloc qui se serait séparés, à la manière de pièces d'un puzzle. Concordance des Appalaches, des Mauritanides et des Calédonides (source : http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/derive.html) 3 - La distribution géographique des paléoclimats Des marques de glaciations datant de 250 millions d'années peuvent être observées en Amérique du Sud, Afrique (sud), Inde et Australie (sud). Cela indique que ces parties du globe étaient recouvertes par une calotte glaciaire. Ces parties du globe étant pour certaines situées dans des zones tropicales, il est improbable qu'il ait pu y avoir une glaciation à ces endroits. Cela est donc un argument supplémentaire pour l'idée de la mobilité horizontale des continents : ces parties du globe se seraient déplacées des zones polaires vers les zones tropicales, expliquant ainsi que l'on y retrouve des traces de glaciations. Wegener observe également des incohérences dans le sens d'écoulement des glaces observés dans ces zones. Le sens observé de cet écoulement est vers l'intérieur des continents (des points bas vers les points hauts; cas de l'Amérique du Sud, de l'Afrique, de l'Inde et l'Australie). En revanche, si l'on rassemble toutes ces zones d'anciennes glaciations, on observe un sens d'écoulement cohérent (cf. figure ci-après).Marques de glaciations et idée de la mobilité horizontale des continents de Wegener (source : http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/derive.html) 4 - La distribution de certains fossiles
Répartition des fossiles Certains fossiles d'espèces animales et végétales aujourd'hui éteintes ont été retrouvés sur plusieurs continents. Ces espèces ne pouvant pas traverser les océans, cela renforce l'hypothèse que les continents n'étaient pas séparés à l'époque où vivaient ces espèces fossilisées.
Wegener émet donc l’hypothèse de l’existence, à la fin de l’ère Primaire (245 Ma), d'un super continent, la Pangée, qui se serait ensuite fracturé pour former les continents actuels. Il conçut l'idée que les continents "flottaient" sur un matériau, qu'il ne put définir, et qu'ainsi ils pouvaient dériver les uns par rapport aux autres.
La Pangée et la mobilité horizontale des continents II. Le rejet du modèle de Wegener par la communauté scientifique de l'époque : 1 - L'absence d'un moteur plausible à la mobilité des continents Ce n’est qu’en 1922 que les géologues commencent à s’intéresser aux thèses de Wegener. Passée la réserve du début, les hostilités deviennent de plus en plus virulentes. Les détracteurs doutent du sérieux scientifique de Wegener et pour justifier leur rejet ils argumentent que les ajustements entre continents sont imprécis et sans doute accidentels, que les ressemblances géologiques et paléontologiques ne sont pas si évidentes et qu’il est bien téméraire de vouloir prouver l’existence d’un ancien continent unique en cherchant à raccorder les marques de glaciations. Lake, en 1922, met en doute le sérieux de la démarche scientifique de Wegener. En 1924, Harold Jeffreys (1891-1989) s'oppose résolument à la théorie de Wegener en soutenant que les forces envisagées comme moteur sont bien trop faibles pour mouvoir les continents : « Il n'y a par conséquent pas la moindre raison de croire que des déplacements en bloc de continents à travers la lithosphère soient possibles. […] Une dérive séculaire des continents, telle qu'elle a pu être soutenue par A. Wegener et autres, est hors de question. » L'argument des détracteurs de Wegener est donc que les forces avancées comme moteur de la mobilité des continents ne sont pas assez puissantes pour expliquer la dérive de ces masses énormes, et puisqu'aucun mécanisme satisfaisant n’existe pour déplacer les continents, les continents n’ont pas pu dériver. Les scientifiques refusent de se remettre en question. Seuls quelques géologues très minoritaires auront défendu la théorie de Wegener. 2 - Une théorie qui bouleverse les idées établies L’absence d’un mécanisme plausible n’explique certainement pas tout. Car lorsque Arthur Holmes présente en 1928 un mécanisme beaucoup plus satisfaisant en invoquant les courants de convection, il n’est pas suivi et l’hypothèse de la dérive n’est pas reconsidérée. Finalement, ce sont sans doute les réticences à abandonner les anciennes connaissances et à changer radicalement de cadre interprétatif qui n’ont pas permis de suivre l'hypothèse de Wegener. Il faudra attendre plus d'une quarantaine d'années pour que la communauté scientifique accepte l'idée de Wegener et se mette à la recherche du mécanisme de dérive qui lui manquait. Entre autres, il avait manqué à Wegener les données fondamentales sur la structure interne de la Terre. Ainsi, si Wegener a pu démontrer de façon convaincante et scientifique l'existence d'un super continent, la Pangée, il n'a pas su expliquer de façon convaincante quel était le moteur qui avait fait dériver les continents. Conclusion
|